Une récente enquête, réalisée par l’association « Public Eye » et l’unité de journalisme d’investigation spécialiste dans les questions environnementales « Greenpeace Unearthed », démontre que plusieurs pesticides dont l’utilisation a été interdite sur le territoire européen en raison de leur impact néfaste sur l’environnement et la santé publique, continuent à être produits puis exportés vers plusieurs pays, dont le Maroc. Les auteurs de l’enquête qui a duré une année ont épluché d’énormes quantités de données afin de synthétiser un tableau qui cartographie les pays producteurs autant que les pays importateurs. « Toutes ces informations proviennent de documents produits par les entreprises, que nous avons obtenus par le biais de demandes d’accès à l’information de l’Agence européenne des produits chimiques ainsi que d’autres autorités », nous confie Crispin Dowler, journaliste et auteur de la version anglaise de l’enquête publiée sur le site de Greenpeace Unearthed.
Le Maroc au top 10 des importateurs
Selon le travail de Greenpeace, le Maroc est l’un des «dix principaux importateurs de pesticides interdits» produits par des entreprises européennes en 2018. Avec près de 3900 tonnes de substances dangereuses et interdites -selon les propres critères de l’UE- importées, le Maroc est le premier importateur africain. Alors que les chiffres publiés par le rapport de Greenpeace indiquent que le Royaume aurait en 2018 importé quelque 4.78% de la totalité (81.615 tonnes) des pesticides interdits produits en Europe, l’Office National de Sécurité Sanitaire des produits Alimentaires (ONSSA) souligne que « les importations marocaines en pesticides utilisés en agriculture représentent uniquement 2% » du total des exportations de l’Union Européenne en ces produits. Le communiqué diffusé par l’autorité sanitaire en réaction à l’enquête de Greenpeace et Public Eye précise par ailleurs qu’il « s’agit principalement des pesticides à base du 1,3-Dichloropropène, Paraquat et Cyanamide d’hydrogène ».
Prédominance du « 1,3-Dichloropropène »
L’ONSSA explique que le 1,3-Dichloropropène, qui représente à lui seul 87% de ces importations, est « utilisé pour la désinfection du sol contre les nématodes bien avant la mise en culture. Ce pesticide est actuellement homologué et utilisé dans plusieurs pays à travers le monde, notamment les USA, le Japon, l’Australie ». A noter que les pays cités par l’Office font tous partie du club des grands importateurs de pesticides interdits en EU. L’utilisation du 1,3-Dichloropropène est toujours autorisée dans les pays de l’UE « via l’octroi d’autorisations exceptionnelles, notamment dans les pays producteurs de cultures maraîchères et de fruits rouges », poursuit l’autorité sanitaire en précisant que cette substance est actuellement en cours de réexamen en Europe « en vue de son éventuelle réapprobation » sur la base des nouvelles données scientifiques. « L’ONSSA procède régulièrement au réexamen de matières actives. (…) Ceci s’inscrit dans le cadre d’une approche intégrée qui vise l’utilisation rationnelle des pesticides pour contribuer au développement d’une agriculture durable », rassure l’autorité sanitaire.
Manque d’un contrôle rigoureux
Pourtant, un avis du Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE) publié en décembre dernier indiquait que « si les intrants et pesticides utilisés dans l’agriculture sont importants pour assurer la productivité et la qualité des récoltes, leur utilisation n’est pas suffisamment maîtrisée au regard des normes en vigueur. Ils présentent ainsi un risque avéré sur la santé et l’environnement et contribuent à la dégradation des ressources en eau et des écosystèmes naturels ». « Le problème des pesticides dangereux existe bien au Maroc. Le rapport du CESE sur le sujet explicite les choses de manière claire », confirme pour sa part Abderrahim Ksiri, président de l’Association des Enseignants des Sciences de la Vie et de la Terre et coordinateur national de l’Alliance Marocaine pour le Climat et le Développement Durable. « Il y a en circulation des pesticides interdits. D’autres sont autorisés mais c’est la dose qui pose problème car il n’y a pas une communication forte et disponible pour conseiller correctement les agriculteurs à ce sujet autrement qu’à travers les revendeurs. Quand la dose est correcte, c’est parfois la période de vente des denrées qui ne respecte pas la durée d’auto élimination du pesticide », résume l’environnementaliste.
Le Maroc au top 10 des importateurs
Selon le travail de Greenpeace, le Maroc est l’un des «dix principaux importateurs de pesticides interdits» produits par des entreprises européennes en 2018. Avec près de 3900 tonnes de substances dangereuses et interdites -selon les propres critères de l’UE- importées, le Maroc est le premier importateur africain. Alors que les chiffres publiés par le rapport de Greenpeace indiquent que le Royaume aurait en 2018 importé quelque 4.78% de la totalité (81.615 tonnes) des pesticides interdits produits en Europe, l’Office National de Sécurité Sanitaire des produits Alimentaires (ONSSA) souligne que « les importations marocaines en pesticides utilisés en agriculture représentent uniquement 2% » du total des exportations de l’Union Européenne en ces produits. Le communiqué diffusé par l’autorité sanitaire en réaction à l’enquête de Greenpeace et Public Eye précise par ailleurs qu’il « s’agit principalement des pesticides à base du 1,3-Dichloropropène, Paraquat et Cyanamide d’hydrogène ».
Prédominance du « 1,3-Dichloropropène »
L’ONSSA explique que le 1,3-Dichloropropène, qui représente à lui seul 87% de ces importations, est « utilisé pour la désinfection du sol contre les nématodes bien avant la mise en culture. Ce pesticide est actuellement homologué et utilisé dans plusieurs pays à travers le monde, notamment les USA, le Japon, l’Australie ». A noter que les pays cités par l’Office font tous partie du club des grands importateurs de pesticides interdits en EU. L’utilisation du 1,3-Dichloropropène est toujours autorisée dans les pays de l’UE « via l’octroi d’autorisations exceptionnelles, notamment dans les pays producteurs de cultures maraîchères et de fruits rouges », poursuit l’autorité sanitaire en précisant que cette substance est actuellement en cours de réexamen en Europe « en vue de son éventuelle réapprobation » sur la base des nouvelles données scientifiques. « L’ONSSA procède régulièrement au réexamen de matières actives. (…) Ceci s’inscrit dans le cadre d’une approche intégrée qui vise l’utilisation rationnelle des pesticides pour contribuer au développement d’une agriculture durable », rassure l’autorité sanitaire.
Manque d’un contrôle rigoureux
Pourtant, un avis du Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE) publié en décembre dernier indiquait que « si les intrants et pesticides utilisés dans l’agriculture sont importants pour assurer la productivité et la qualité des récoltes, leur utilisation n’est pas suffisamment maîtrisée au regard des normes en vigueur. Ils présentent ainsi un risque avéré sur la santé et l’environnement et contribuent à la dégradation des ressources en eau et des écosystèmes naturels ». « Le problème des pesticides dangereux existe bien au Maroc. Le rapport du CESE sur le sujet explicite les choses de manière claire », confirme pour sa part Abderrahim Ksiri, président de l’Association des Enseignants des Sciences de la Vie et de la Terre et coordinateur national de l’Alliance Marocaine pour le Climat et le Développement Durable. « Il y a en circulation des pesticides interdits. D’autres sont autorisés mais c’est la dose qui pose problème car il n’y a pas une communication forte et disponible pour conseiller correctement les agriculteurs à ce sujet autrement qu’à travers les revendeurs. Quand la dose est correcte, c’est parfois la période de vente des denrées qui ne respecte pas la durée d’auto élimination du pesticide », résume l’environnementaliste.
Oussama ABAOUSS
Encadré
Réglementation : Mise au point de l’ONSSA à propos des pesticides interdits en Europe et importés par le Royaume
Dans le communiqué publié par l’Office National de Sécurité Sanitaire des produits Alimentaires en réaction à l’enquête de Greenpeace, l’autorité sanitaire a indiqué que sur les 41 matières actives citées dans le rapport de l’ONG, le secteur agricole marocain n’est concerné que par 8 matières actives dont 4 sont déjà retirées du marché national (Propargite, Atrazine, Carbendazime et Acétochlore). L’ONSSA assure avoir programmé le réexamen en 2021 du Paraquat, du 1,3-Dichloropropène, du Cyanamide d’hydrogène et du Triasulfuron. Entre 2018 et 2020, l’autorité sanitaire a retiré 15 matières actives utilisées comme pesticides du marché national. Il s’agit du Chlorpyriphos-éthyle, Chlorpyriphos méthyle, Dinocap, Amitrole, Trichlorfon, Carbofuran, Propargite, Dichlorvos (DDVP), Methidathion, Iprodione, Diflovidazine, Ethoprophos, Linuron, Propinèbe et certaines préparations contenant le glyphosate. L’ONSSA explique avoir initié en juillet 2020 le processus de réexamen de 10 autres matières actives pour les soumettre à l’avis de la commission interministérielle de mars 2021. L’Office a par ailleurs informé les sociétés détentrices des homologations de ces produits conformément à la réglementation et aux procédures en vigueur. « Cette démarche de réexamen des pesticides est adoptée par l’ONSSA chaque fois qu’il est nécessaire, notamment à la lumière des données scientifiques, le statut des pesticides à l’échelle internationale et les données de la phytopharmacovigilance au niveau national », souligne le communiqué.
Dans le communiqué publié par l’Office National de Sécurité Sanitaire des produits Alimentaires en réaction à l’enquête de Greenpeace, l’autorité sanitaire a indiqué que sur les 41 matières actives citées dans le rapport de l’ONG, le secteur agricole marocain n’est concerné que par 8 matières actives dont 4 sont déjà retirées du marché national (Propargite, Atrazine, Carbendazime et Acétochlore). L’ONSSA assure avoir programmé le réexamen en 2021 du Paraquat, du 1,3-Dichloropropène, du Cyanamide d’hydrogène et du Triasulfuron. Entre 2018 et 2020, l’autorité sanitaire a retiré 15 matières actives utilisées comme pesticides du marché national. Il s’agit du Chlorpyriphos-éthyle, Chlorpyriphos méthyle, Dinocap, Amitrole, Trichlorfon, Carbofuran, Propargite, Dichlorvos (DDVP), Methidathion, Iprodione, Diflovidazine, Ethoprophos, Linuron, Propinèbe et certaines préparations contenant le glyphosate. L’ONSSA explique avoir initié en juillet 2020 le processus de réexamen de 10 autres matières actives pour les soumettre à l’avis de la commission interministérielle de mars 2021. L’Office a par ailleurs informé les sociétés détentrices des homologations de ces produits conformément à la réglementation et aux procédures en vigueur. « Cette démarche de réexamen des pesticides est adoptée par l’ONSSA chaque fois qu’il est nécessaire, notamment à la lumière des données scientifiques, le statut des pesticides à l’échelle internationale et les données de la phytopharmacovigilance au niveau national », souligne le communiqué.
3 questions à Abderrahim Ksiri, président de l’AESVT
Abderrahim Ksiri
« Des contraintes pèsent sur les contrôles de l’ONSSA »
Abderrahim Ksiri, président de l’Association des Enseignants des Sciences de la Vie et de la Terre (AESVT) et coordinateur de l’Alliance Marocaine pour le Climat et le Développement Durable répond à nos questions à propos de l’usage des pesticides au Maroc.
- Pourquoi existe-t-il des lacunes en matière de suivi et de contrôle de l’usage des pesticides au Maroc ?
- Le système de suivi et de contrôle n’est pas très efficace parce que l’ONSSA ne dispose pas des nombres de ressources humaines suffisantes et que les sanctions qui existent ne sont pas fortes. Il y a également le mode de gouvernance qui place l’ONSSA sous la tutelle d’un ministère qui est jugé sur les résultats de la production agricole. Sous d’autres cieux, c’est le ministère de la Santé qui est responsable des structures comme l’ONSSA. Parfois, c’est aussi une entité indépendante par rapport au gouvernement et qui dispose ainsi des pouvoirs et capacités nécessaires pour mener à bien ses missions.
- Comment garantir une transparence concernant les résidus de pesticides dans les produits alimentaires ?
- Idéalement, l’ONSSA devrait, à travers un comité scientifique indépendant, publier régulièrement des rapports qui permettent aux Marocains de consommer en connaissance de cause. La structure scientifique de l’ONSSA n’est cependant pas indépendante puisqu’il s’agit d’un service interne.
- Comment s’assurer que les pesticides soient utilisés correctement et avec parcimonie par les agriculteurs ?
- Il est nécessaire que les utilisateurs de ces produits puissent accéder à des informations fiables. Il faut utiliser les nouvelles technologies de l’information pour produire des contenus que les agriculteurs pourraient trouver facilement sur leurs portables. La vulgarisation devrait, par ailleurs, se faire en utilisant des images et un langage adapté et accessible à tous.
- Pourquoi existe-t-il des lacunes en matière de suivi et de contrôle de l’usage des pesticides au Maroc ?
- Le système de suivi et de contrôle n’est pas très efficace parce que l’ONSSA ne dispose pas des nombres de ressources humaines suffisantes et que les sanctions qui existent ne sont pas fortes. Il y a également le mode de gouvernance qui place l’ONSSA sous la tutelle d’un ministère qui est jugé sur les résultats de la production agricole. Sous d’autres cieux, c’est le ministère de la Santé qui est responsable des structures comme l’ONSSA. Parfois, c’est aussi une entité indépendante par rapport au gouvernement et qui dispose ainsi des pouvoirs et capacités nécessaires pour mener à bien ses missions.
- Comment garantir une transparence concernant les résidus de pesticides dans les produits alimentaires ?
- Idéalement, l’ONSSA devrait, à travers un comité scientifique indépendant, publier régulièrement des rapports qui permettent aux Marocains de consommer en connaissance de cause. La structure scientifique de l’ONSSA n’est cependant pas indépendante puisqu’il s’agit d’un service interne.
- Comment s’assurer que les pesticides soient utilisés correctement et avec parcimonie par les agriculteurs ?
- Il est nécessaire que les utilisateurs de ces produits puissent accéder à des informations fiables. Il faut utiliser les nouvelles technologies de l’information pour produire des contenus que les agriculteurs pourraient trouver facilement sur leurs portables. La vulgarisation devrait, par ailleurs, se faire en utilisant des images et un langage adapté et accessible à tous.
Recueillis par O. A.
Repères
Chronologie des interdictions
Le Dichloropropène, utilisé dans la culture de légumes, est classé comme un cancérogène probable. Il est interdit dans l’UE depuis 2007 en raison de risques élevés pour les consommateurs ainsi que pour les oiseaux, les mammifères et les organismes aquatiques. La cyanamide qui est utilisée dans la vigne et la culture de fruits est, pour sa part, suspectée d’être cancérigène. Elle est formellement interdite en Europe depuis 2008. En 2017, la justice européenne a interdit l’herbicide Paraquat, soupçonné de lien avec la maladie de Parkinson.
Mauvais pour moi, bon pour les autres
Un officiel de la Commission européenne a confié à l’agence AFP qu’un règlement européen de 2009 empêche de mettre sur le marché et d’employer (en Europe) un pesticide contenant des substances non autorisées. « Si l’UE, avec toutes ces ressources, a conclu que ces pesticides sont trop dangereux, comment pourraient-ils être utilisés de manière sûre dans des pays plus pauvres, alors que l’équipement de protection nécessaire n’est souvent même pas disponible ? », réagit Baskut Tuncak, ancien Rapporteur spécial des Nations Unies.